Nous croyons devoir donner à la fois l’étymologie de la commune et celle de la vallée. Comme l’indique le mot seul, Bourg vient de Burgus et désigne une forte agglomération. Quant à la qualification d’Oueil, les savants sont très partagés : les uns font dériver ce mot de la corruption de terme latin Ovium, en patois Goueillo ( ou Vallis Ovium.—Vallée des brebis) ; les autres le font dériver du terme latin Oculi (ou Vallis oculi,--- Vallée de l’œil). Ce qu’il y a de certain c’est que les manuscrits anciens l’appellent presque toujours la « Vallis Occuli », d’ou il résulterait que l’origine du mot viendrait réellement de la corruption du terme Oculi latin. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi on aurait ainsi nommé la vallée, quoique l’œil se dise Goueil, en patois, je préfèrerais le faire dériver de Brebis, à cause des troupeaux considérables qu’elle renferme.
Le peintre romain Caze adoptant, avec plusieurs savants la même opinion, représente la Vallée sous la forme d’une vierge ayant une brebis à ses côtés ; cette fresque se trouve dans la salle des Pas-Perdus des Thermes de Bagnères -de Luchon .
Avant la Révolution , la commune faisait partie du gouvernement de Guyenne et de Gascogne. – Election de Comminges. –Châtellenie de Fronsac (ou Frontignes) .—Généralité d’Auch. – Le seigneur de Mauléon, en Barousse soumis au seigneur de Barbazan, y percevais la moitié des droits royaux avec son coseigneur de St Paul, et avait le droit d’y exercer avec lui la justice, sous la juridiction du comte de Comminges . C’est ce qui résulte des parchemins du XIV ème, du XV ème, du XVI ème, et du XVIIème siècles , qui se trouvent entre les mains de Monsieur Gerdessus, maire de Cirès et de Monsieur Comet, propriétaire à Bourg. Malgré leurs droits, la justice ne fut jamais rendue par eux, parce que « Qui avait le Roy pour compagnon était censé l’avoir pour maître .» Telle était la maxime en honneur dans le Parlement de Toulouse.
Contribution à l'étude sur l'origine de la dénomination : Vallée d'OUEIL - 1950
Le Petit Commingeois Dimanche 26 novembre 1950
Texte intégral : Louis SAUDINOS
La légende que je me permets de discuter attribue la dénomination « Vallée d'OUEIL » le sens : vallée des brebis. Dès lors, la version devrait être : « vat des oueilles » (brebis). Mais ce n'est pas ainsi que de temps immémorial l'on parle chez nous. On y prononce : « vat de oueil »(oeil).
« Il est vraisemblable », écrit M. Duthil, « ainsi que bruit en court, que la vallée d'Oueil fut primitivement occupée par des bergers ».(livre II, La préhistoire).
La légende enseigne que le premier troupeau fut introduit en Oueil par un berger de Pau. « Cette vallée a pris son nom du vieux français ouaille ( brebis) dérivé du latin ovis. L'u et le v ne faisant jadis qu'une seule lettre. C'est en effet une vallée de grands pâturages et de nombreux troupeaux ».
( Lambron, tome II, page818).
Sur l'hypothèse, ou sur l'affirmation, Romain Caze, pinceau de premier ordre, dote les thermes de Luchon d'une peinture, à fresque allégorique, où spontanément on découvre la déesse bergère de la vallée dOueil. Ce chef-d'oeuvre tient de l'esprit poétique.
Voici pourquoi il convient de traduire Oueil par oeil, non par brebis.
Il est certain : la vallée d'Oueil élève beaucoup d'ovins. Mais aussi n'y a-t-il pas un oeil ? Si oui, où est-il situé ? Et qu'est-ce que cet oeil ?
Cet oeil est tout bonnement un source d'eau permanente, une fontaine ( du bas latin fontana, du latin fons, fontis). Notre idiome en conserve le terme hont. Témoins sont deux noms propes : Hountan et Lafont, de la commune de Saint-Paul d'Oueil, notre voisine.
M. le professeur Ch. Higounet, nous le verrons plus loin, affirme la synonimie de Oueil et de source. Nous sommes en plein accord avec lui.
Du reste, le moindre filet d'eau sortant de terre, dans notre canton, est appelé oeil, même s'il n'a pas de nom distinctif. Un paysan, un berger dit indistinctement hint ou bien oueil, s'il s'agit de source de montagne. Cependant les oeils- d'eau captés prennent, à leur arrivée aux villages d'Oueil, le nom de hont ; à Luchon, celui de fountaino. Bas latin et patois local concordent avec la réalité des chose.
Sur le territoire de la commune de Saint- Paul- d'Oueil, il y a quatre sources, respectivement : 1°) Oueil de Sen Gouardian, patron du village ; 2°) Oueil der'arca ; 3°) Oueils d'argent (3 sources ) ; 4°) Oueil de saccada. A Bourg d'Oueil, Oueil detch arrieou. A Luchon, naou(hontz et Oueil de Jouéou. A caubous, hont denaou oueil, etc...
L'expression « fontaine aux neuf brebis » animerait la rigolade des rieurs sérieux de Caubous et d'ailleurs en Oueil ! A Luchon, tout aussi risible serait l'appellation « brebis Jouéou » mise pour « Oueil de Jouéou ».
L'émergence d'eau, non indiquée par les historiens, nous la localisons au lieu-dit Houtan. (Cf. le livre terrien de Mayrègne en 1670). Située au pied d'une pente brusquement dénivelée, ses eaux bouillonnante jaissent d'une excavation traversée d'une racine de frêne.
La veine d'eau de hountan a ceci de particulier. Elle forme ruisselet permanent, capable de produire 12 HP, traverse la vaste pairie, l'irrigue et la rend d'inégalable productivité. Sa fertilité est due à l'eau lourde et calcaire, disent les habitants. Sa température est stable, et donc, précieuse en toute saison. Située à 150 mètres du cimetierre, on lave le linge et la laine surge à l'oeil de hountan.
Cette belle prairie plate dut apparaître aux premiers occupants comme une possession de grands rapport. Il est très probable même que la première cabane et le premier bercail y furent établis. L'examen intéressé de ce lieu-dit envisagea, dans l'immédiat, les nécessités économiques.
Les barrages d'irrigation faisaient défaut à l'origine de l'occupation. C'est pourduoi la découverte d'une source d'eau abondante te permanente, située à la partie supérieure de la prairie Hontan, fut considérée comme une heureuse trouvaille.
Au surplus, ce lieu-dit est une soulane très abritée des brouillards du nord (éra varousséda). Son côté ouest est bien protégé par des frênes des alentours.
Les premiers habitants ne songèrent-ils pas à des productions de céréales ? Toujours créatrice, la nécessité recourut, au plus proche possible de la prairie, à l'établissement d'un champ producteur de pain et de légumes.
Précisément la terre labourable que nous indiquons est contigüe à la partie supérieure du pré de M. Laurens. C'est le champ sis au lieu-dit : Champs de Sen Pé ( Saint Pierre), voisins de l'église Saint Pierre de Mayrègne.
A vingt mètres d'elle se situe la maison de Sen Pé que j'ai bien connue. Elle ne se composait que d'une seule pièce et d'un réduit, jadis édifiée, peut être en oratoire, ou bien, en sanctuaire. Cette maison, depuis quarante ans, a été transformée en chalet.
L'adjacence de la voie romaine, du pré, de la source du champ, du moulin, de l'église, du village laisse supposer que la source de Houtan fut le centre d'activités des premiers occupants. De nos jours encore ce groupe agricole demeure intact, possédé par la famille Bertrand Laurens de Mayrègne. Son unité à travers les ages est due autant à son inépuisable prospérité qu'à son exceptionnelle facilité d'exploitation.
Il reste à prouver que la voie romaine encadra une importante partie du domaine ci-dessus détaillé. Pour obtenir ce résultat, le premier occupant sédentaire ne craignit pas d'allonger, outre mesure, le trajet qui côtoya l'oeil de Hountan.
En effet, la délibération du conseil municipal, en date du 9décembre 1830, décide le redressement du chemin fixé alos, tout proche du oueil de Hountan, et tout à côté aussi du moulin, mola vielha.
Ce fait et cet état des lieux, préhistoriques peut être, nous les assignons peut-être à Mayrègne. L'histoire n'y contredit pas. « L'ancienneté des communes de Caubous, Mayrègne, Benqué-dessus paraît certaine. » (Cf. Histoire des évèques du Comminges par M. le chanoine Contrsty, page 9).
Toutes ces raisons portent à croire fermement que la vallée d'Oueil et la prairie de Hountan tirent leur nom de la source (oeil), hont.
Aucun des bons esprits nés en Oueil, pourtant très curieux, n'a découvert ovis dans les manuscrits anciens, mais bien les formes latines, oculi, oculo, oculus.(Cf. les monographies de la vallée d'oueil, de 1886, aux archives de la Haute-Garonne). Un rapide regard jeté à leurs titres, plusieurs fois séculaires, fournit la preuve de notre assertion : vallée de l'oeIL. Dans les notes ci-après, il s'agit surtout de donation faites à l'archiprêtre de Saint-Paul d'Oueil : L'an 1276 : -. Valle oculo(3G. n° 25)
L'an 1290 : ..... Sancti Pauli de oculo, vallis de ocolo ( 3G. n° 27 et 23).
L'an 1290 : .....Val d'oeil (Castillon d'Aspect, p. 420 in fine).
L'an 1292 : .......Valle de oculo (3G. n° 23).
L'an 1333 :...... Valle de oculi (3G. n° 27).
L'an 1334 : .......Vallis oculi ( Eaux et forêts, P. Commenges, n° 60).
L'an 1644 1654 : La peste dans les hautes vallées du Comminges, par M. Paul Barrau de Lorde, où l'on lit quatre fois : « vallée d'oeil ».
L'an 1762 :...... « Vallée de l'oeil », rapport de M. Paul Barrau de lorde.
Pourquoi, demande-t-on, tant de sources sont-elles des oeils d'eau ? Dans les pentes souterraines les filets d'eau cascadent sur des rochers, heurtent des cailloux et sourdent miroitantes, tel l'oeil humain. Ainsi donc, les sources dans les paysages luchonnais sont-il pour les bergers et chantres pour les poètes.
A Garin, la fontaine de l'aoudètch (oiseau) murmure son doux gazouillement.
A Luchon : La fontaine de Carraouet Est la plus belle de toutes.
Elle chante comme un rouet La fontaine de Carraouet.
Ed. Rostand.
Voici enfin l'affirmation de M. le professeur CH. Higounet, page 104, note 16 :
« L'étymologie traditionnelle qui fait d'Oueil la vallée des ouailles (brebis) nous paraît singulièrement compromise par la seule confrontation avec les formes latines du nom de la vallée d'Oueil. C'est tout simplement comme partout ailleurs dans le pays luchonnais et aragonnais, la source (occulus) oueil, goueil. »
Bref, aucun doute ne paraît s'élever contre la dénomination Vat de Oueil (vallée de l'oeil). Cependant il est permit d'objecter qu'en Oueil il y a de nombreuses source, ailleurs qu'à Mayrègne. C'est exact.
Toutefois, le doute s'évanouit devant les fait cités, dans l'expression de la pensée incluse aux manuscrits primitifs et, plus spécialement, dans les termes de la donation religieuse ci-après :
« L'an 1265 : .... Don à Dieu, à la Vierge et à Saint Bertrand de Saint-Paul d'Oueil de oculo de Mayrehna. »( archives de la Haute Garonne 3G. n°27)
La contestation me paraît close.